Comment la Carapace de la Tortue devint Rugueuse et Bosselée

Tortue avec sa carapace rugueuse et bosselee
Tortue avec sa carapace rugueuse et bosselee

Autrefois, il y a bien longtemps, les tortues avaient une belle carapace toute lisse.  Ce conte va vous dire comment cette carapace est devenue rugueuse et pleine de bosses.

C’était une époque de famine.  Dans tout le pays, les habitants cherchaient vainement un peu de nourriture pour apaiser leur faim.  Or, un jour, lézard, affamé, est en train d’errer dans un champ quand il voit arriver le propriétaire de celui-ci, un chat bien gras.  Lézard est étonné de cet embonpoint dans une période de disette.  Il se cache pour observer.  Chat se dirige vers une lourde roche et s’écrie : Rocher, soulève-toi.  Et le rocher se soulève, découvrant une caverne pleine d’ignames.  Puis chat entre dans la caverne pleine d’ignames. Puis chat entre dans la caverne et mange. Quand il a fini, il ressort et dit : Rocher, ferme-toi.  Et le rocher se referme.

Lézard a tout vu et tout entendu ; il s’en retourne chez lui en réfléchissant.  Au point du jour, le lendemain, il va dans le champ et fait comme le chat. Le rocher se soulève, lézard entre dans la caverne, prend quelques ignames et mange copieusement. A partir de ce moment, tous les matins, il renouvelle son sol.

Bientôt, il grossit et retrouve bonne mine.  Or, un soir, il rencontre tortue qui s’étonne de lui voir si belle apparence.

Où trouves-tu de la nourriture, pendant cette famine ? Lui demande-t-elle

je ne peux pas te le dire, répond lézard.

Si on le savait, met à le supplier :

Par pitié, mon compère, emmène-moi avec toi quand tu iras te nourrir. Je jure que je n’en parlerai à personne.

Lezard
Lezard

–  bon ! dit le lézard, viens m’éveiller au premier chant du cop.  Je te montrerai mon secret.  Pendant toute la nuit, la tortue ne peut fermer l’œil tant il lui tarde d’être au lendemain. Dans son impatience, elle se rend chez lézard avant le chant du cop.  Pour éveiller celui-ci, elle se met à pousser un grand cri : cocorico !cocorico ! Et elle appelle lézard : Compère, Compère le coq a chanté, lève-toi vite.

Mais lézard voit que le ciel est encore tout noir et lui crie : Laisse-moi dormir ma commère.  Ce n’est pas l’heure ! Le coq n’a pas encore chanté.  Déçue, la tortue revient chez elle et se recouche.  Le coq chante enfin. Tortue et lézard se mettent aussitôt en route.  Une fois parvenus au champ, ils vont auprès du gros rocher.  Lézard ordonne : Rocher, soulève-toi .  Le rocher se soulève. Lézard entre dans la caverne, prend des ignames et ressort.

Maintenant, il faut partir !dit-il.

pas encore, répond tortue, je veux entrer moi aussi pour prendre des ignames Fais le guet pendant ce temps !

D’accord ! fait lézard.  Mais dès qu’elle a tourné le dos, il s’en va. Tortue est très vorace. Elle veut emporter une grosse quantité d’ignames et en suspend à sa tête, à ses bras, à ses bras, à ses pieds, en accroche même à ses cheveux.

Quand à lézard, à peine revenu chez lui, il allume un grand feu, puis s’étend sur le sol, le ventre en faisant le mort.

Tortue ressort enfin de la caverne, couverte de provisions.  Mais elle ne connaissait pas le moyen d’abaisser le rocher.  Elle pousse, tire, crie.  En vain ! Et tout à coup, chat le propriétaire, survient.  Il se jette sur la tortue en le traitant de voleuse.  Il la frappe violemment et l’attache avec une corde. Tortue, terrorisée, crie :  Ce n’est pas moi, c’est lézard ! Grace ! Grâce ! Ce n’est pas moi, c’est lézard le voleur !

Chat
Chat

C’est ce que nous allons voir!  grommelle le chat.  Et il l’entraîne jusqu’à la maison de lézard.  Ils trouvent lézard, sur le sol, le ventre en l’air, comme s’il était mort.

Cette tortue affirme que c’est toi qui l’a emmenée dans mon champ voler mes ignames déclare chat.

Comment cela serait-il possible, seigneur chat ? Fait lézard d’une voix plaintive.  Je suis ici couché, presque mort depuis trois mois.  Il y a bien longtemps que je ne suis allé dans le champ de qui que ce soit.

Alors le chat déchire tortue avec ses griffes pointues pour lui donner une leçon.  Puis il part, la laissant en bien mauvais état.  Elle gémissait et regardait autour d’elle pour voir si quelqu’un viendrait à son secours.  Enfin elle aperçoit un cancrelat et une fourmi.

Cancrelat, et fourni viennent auprès d’elle et la raccommodent. Mais ils ne pouvaient pas bien faire ce travail, avec tous les morceaux d’ignames qui étaient collés partout.

Et c’est ainsi que la carapace de tortue est devenue toute bosselée, toute écailleuse et rugueuse maintenant.

Conte tiré de “Contes des Lagunes et Savanes,” Collection ‘Fleuve et Flamme,’ édition Edicef, 1975

Un Prêté vaut un Rendu

Tortue
Tortue

Tortue et serpent étaient de très grands amis.  Ils se rencontraient fréquemment, passaient de longues heures à converser ensemble.  Souvent, Tortue invitait son compère à partager son repas, quand ce n’était pas serpent qui invitait sa commère.  Bref, tout le monde les appelait les inséparables.  Pourtant un jour, ils se sont fâchés et jamais plus on ne les a vus ensemble.  Leurs voisins étaient très intrigués par cette brouille et auraient bien voulu savoir ce qui s’était passé.  Ils les ont questionnés l’un et l’autre voici ce qu’ils ont fini par apprendre.

Tortue avait prié son ami de venir manger chez elle serpent s’est mis en route, ayant appétit.  Quand il arrive au domicile de son amie, une odeur délicieuse l’accueille, mais il n’y a personne pour le recevoir à l’entrée de la maison.  Il appelle; pas de réponse! alors, il pousse la porte et entre.  Au milieu de la pièce, se trouve une grosse calebasse d’où s’élève un fumet de bonne nourriture.  Mais le récipient est recouvert d’un énorme couvercle.  C’est tortue qui s’est étendue là pour jouer un vilain tour à son compère. Hé, compère, que fais-tu donc là ?  S’écrie serpent, fort surpris de cette attitude.  Ne vois-tu pas qu’avec ta grosse carapace, tu couvres tout le plat et que je ne puis me servir ?  Est-ce une chose à faire ?  ôte-toi de là car j’ai grand appétit.

Serpent (Cobra)
Serpent (Cobra)

Tortue ne bouge ni ne répond, si ce n’est par un ricanement moqueur.  Serpent attend quelques instants espérant qu’elle voudra bien  libérer la calebasse.  Puis voyant qu’elle se moque de lui, il s’en va, pas content du tout.

Quelques jours passent.  Enfin, un beau matin, serpent envoie un de ses fils inviter son amie tortue à venir partager son repas.  Celle-ci fait arrivée, elle découvre serpent soigneusement enroulé sur lui-même et formant un gros couvercle qui bouche entièrement le plat de nourriture avec les anneaux de son corps.

Hé compère, que fais-tu là ? S’écrie-t-elle.  En voilà un couvercle pour Une calebasse !  Pousse-toi donc afin que je me serve à manger.

Serpent se garde de bouger.  Mais il lui répond d’une voix sifflante de colère :

Chère sœur, as-tu donc oublié le vilain tour que tu m’as joué la dernière fois que j’ai été ton invité ?  Si c’est ainsi que tu reçois tes amis, pourquoi veux-tu que je n’aie pas la même attitude ?  Mon devoir est de te rendre la pareille.  Pour honorer ta générosité, je te rends ainsi le bon repas que tu m’as offert !  Peut-on garder des amis si on se moque d’eux ?  Si vous agissez mal envers quelqu’un, pourquoi voudriez-vous que, lui, agisse bien envers vous ?

Conte tiré de “Contes des Lagunes et Savanes,” Collection ‘Fleuve et Flamme,’ édition Edicef, 1975

Une Traîtrise de Tortue

Eklo, la tortue
Eklo, la tortue

Il était une fois une tortue nommée Eklo, qui avait lié grande amitié avec son voisin Adidi le chat.

Un beau jour, Eklo vient rendre visite à Adidi. A son arrivée, elle s’écrie :

Comme ta maison est vieille et mal entretenue, mon compère ! Ce n’est pas du tout convenable ! Regarde ! Il Ya des fentes dans tous les murs; la porte ne ferme plus; le bois est rongé de partout et plein de gros trous. J’en suis bien peinée car je comptais venir te voir avec quelques amis que tu aurais été très heureux de recevoir. Mais il faut accueillir les visiteurs convenablement.

Afi, la souris
Afi, la souris

Adidi entend les reproches de son amie. Il a honte et assure Eklo qu’il va se mettre immédiatement au travail pour réparer sa maison. Dans une quinzaine de jours, tout sera prêt pour qu’elle puisse lui amener les visiteurs annoncés. Mais la tortue avait une idée derrière la tête. Un peu avant la date fixée par Adidi, elle va rendre visite à Afi, la souris.

Chère amie, lui dit-elle, je viens te rendre visite, car tu es le chef de la communauté, afin de te transmettre une invitation. Adidi, mon compère, vient de remettre à neuf sa maison. Pour célébrer cet événement, il va donner une grande fête et il m’a chargée de te dire de venir y assister en compagnie de tous les tiens.

Souris pousse un cri de surprise et d’indignation voyons ! Est-ce que tu te moques de moi ? Crois-tu que je vais aller chez un individu qui a déjà tué mon grand-père et ma grand-mère, sans parler d’un bon nombre de membre de ma famille ?

Adidi, le chat, courant apres la souris
Adidi, le chat, courant apres la souris

Tortue prend sa voix la plus doucereuse et la plus persuasive pour affirmer :

Mais tu n’as rien à craindre. Il n’arrivera rien de mal ni à toi ni aux tiens. Tout cela, c’est du passé ! Maintenant, il faut oublier. D’ailleurs, je te d’amitié qui existent entre Adidi et moi ?

Afi fut convaincue. Au jour dit, accompagnée de toute sa famille, elle suit tortue au domicile de Adidi, Eklo les fait tous entrer dans la maison, puis se précipite à l’extérieur et ferme la porte. Adidi, qui n’attendait que cela, s’élance toutes griffes dehors au milieu des infortunées souris qui, affolées, cherchent vainement une issue pour s’enfuir. En quelques instants, il les a toutes tuées. Ensuite, Adidi appelle la trompeuse Eklo et tous deux fêtent l’événement.

Croire que ceux qui vous ont fait toujours du mal vont devenir brusquement vos amis, c’est être bien sot !

Conte tiré de “Contes des Lagunes et Savanes,” Collection ‘Fleuve et Flamme,’ édition Edicef, 1975.

Comment Tortue Guérit Les Sourd-Muets

African King
African King

Il était une fois un roi très puissant, redouté par toutes les tribus du voisinage et respecté par les siens. Il avait sept fils nés de plusieurs femmes. Mais son épouse préférée ne lui avait donné qu’une fille nommée Sika. Cette jeune princesse était aussi douce que belle. Elle aurait fait la joie de la vieillesse de son père si elle n’avait été victime d’un malheur épouvantable: à l’âge de quatorze  ans alors que nulle jeune fille de la région ne pouvait rivaliser en beauté avec elle, elle était brusquement devenue sourde et muette. Car les coépouses, par jalousie de la préférence marquée du roi pour sa mère, avaient voulu atteindre celle-ci par sa Sika par un grand féticheur du pays.

Sika
Sika

Le roi ignorait naturellement les agissements de ses épouses mais les mauvaises langues du royaume avaient jasé. Et la rumeur s’était répandue dans le pays. Le roi a fait tout ce qui était en son pouvoir pour que  sa fille bien-aimée guérisse. Il a consulté tous les sorciers de quelque réputation, a offert des présents somptueux à tous les marabouts du nord pour qu’ils viennent examiner son enfant. Mais nul n’a pu parvenir à rendre l’ouïe et la parole à Sika. Finalement le roi a résolu d’envoyer sa fille vivre dans un petit village à l’écart, car le spectacle du malheur de son enfant lui déchirait le cœur.

Tortue
Tortue

Or, Tortue, à l’esprit fertile en inventions a entendu parler de l’affaire et a décidé d’intervenir afin d’en tirer un bon profit. Elle se rend à la cour et demande à parler au roi: “Seigneur, lui dit-elle, que me donnera tu si je réussissais à guérir la princesse? J’ai beaucoup d’expérience et je crois que cela est de mon devoir.

L’espoir se réveille alors dans le cœur du malheureux père.

Si tu parviens à rendre l’ouïe et la parole à Sika, je prends le conseil des anciens à témoin, je partagerai mon palais en deux et t’en donnerai la moitié.”

J’ accepte ton offre, répond Tortue. Dès que j’aurai fait ce que je dois, je t’amènerai ta fille et tu constateras par toi–même qu’elle est redevenue normale.

Miel
Miel

Tortue se rend donc dans la forêt qui entoure le village ou l’on avait envoyé la jeune princesse. D’une petite hauteur, elle surveille le chemin. Bientôt, elle aperçoit Sika qui se rend au marigot pour se baigner. Tortue, aussitôt, va déposer, bien en vue, sur une grosse pierre, une calebasse pleine d’un miel délicieux qu’elle s’était procuré. Puis, elle se cache dans un buisson tout près de là.

La princesse arrive au bord de la l’eau, cherche un endroit pour déposer son pagne et aperçoit la calebasse. Poussée par la gourmandise, elle y porte la main tortue sort alors précipitamment du fourré, s’élance sur Sika et la frappe au visage en hurlant:

Voleuse ! Voleuse ! Comment peux-tu voler le miel que j’ai acheté pour mes enfants?

La jeune fille abasourdie, se débat. Son indignation est si violente que la parole lui revient.

Moi une voleuse? Comment oses-tu dire une chose pareille, étrangère? Ne sais-tu pas que je suis la fille unique du roi, la princesse Sika? Veux-tu me lâcher immédiatement!

Mais Tortue, la très rusée, la ligote avec une corde et l’entraîne derrière elle sur le sentier qui va vers le village, en

Sika angry
Sika angry

criant à tue-tête: “Regardez tous la voleuse de miel! Wuu! Wuu! Sika, la fille du roi n’est qu’une voleuse! Wuu! Wuu! Sika préfère prendre le miel des autres pour le manger que d’aller au marché en acheter.”

A son tour, elle se met à crier: “La veille sorcière! La menteuse! La fille du roi ne doit pas être insultée ainsi. Frappez cette menteuse! Et délivrez-moi! Sika va rendre visite à la panthère de la forêt et la panthère est contente! Sika va visiter le seigneur éléphant ! Et le seigneur éléphant est fier de la recevoir. Honte! Honte! à la vieille qui veut déshonorer la fille du roi par ses mensonges!”

Mais Tortue semble ne vouloir rien entendre. Les habitants du pays sont tellement étonnés d’entendre ces accusations et de voir la princesse qui était muette auparavant, répondre par de grands cris, qu’ils n’osent intervenir.

African village
African village

Tortue continue donc à traîner ainsi derrière elle la jeune fille, en direction de la ville royale. Avec malice, elle poursuit ses clameurs: “Wuu! Sika, la fille du roi est une voleuse de miel! Regardez-la tous! Wuu! Wuu! Sika, voleuse de miel!”

Tandis que la princesse en furie vocifère: “Vieille sorcière! Menteuse! Ce n’est pas vrai! Ce n’est pas vrai!”

Elles arrivent dans cet équipage et au milieu des mêmes hurlements jusqu’au palais. Attiré par le bruit, le roi sort dans la cour et pousse un cri de stupeur: “Ma fille muette parle! Miracle! Miracle!

Aussitôt, prestement, Tortue détache les liens de Sika et s’incline respectueusement devant le roi.

Quand à la jeune princesse, toujours furieuse, elle  se précipite aux pieds de son père: “Père! Père! Punissez cette vieille sorcière qui m’a insultée et humiliée, moi, votre fille unique! Père, punissez-la!”

Tortue victorieuse
Tortue victorieuse

Le roi voit que son enfant bien–aimée est complètement guérie et il la calme en disant: “Non ma fille! Je ne punirai pas Tortue. Au contraire, je vais la récompenser car elle a réussi là où les plus grand plus féticheur ont échoué. Elle ne t’a humilié que pour t’obliger à retrouver la parole. Sa ruse a été plus forte que tous les remèdes!”

Il s’approche ensuite de Tortue et déclare: “Grand merci savante Tortue, qui as sauvé mon enfant en la guérissant de son infirmité. La moitie de mon palais est à toi!”

Tortue réussit tout ce qu’elle entreprend car elle connaît bien le cœur des hommes!

Conte tiré de “Contes des Lagunes et Savanes,” Collection ‘Fleuve et Flamme,’ édition Edicef, 1975.