L’Araignée et le Caméléon

Un cameleon
Un cameleon

Il était une fois un caméléon très généreux et très charitable.  Il vivait du produit de son travail dans son champ, avait une grande concession sur laquelle il avait construit une belle case spacieuse.

Araignée, le plus grand paresseux de la région, aimait bien vivre d’expédients, sans se fatiguer à travailler, grâce à ses ruses malhonnêtes.  Il entend vanter autour de lui la générosité de caméléon et décide de l’exploiter.  Il se rend jusqu’à l’habitation de celui-ci, suivi de sa femme et de ses enfants couverts de haillons.  « Ayez pitié de pauvres malheureux sans abri ! Se lamente-t-il.  Ayez pitié, Caméléon ! La saison des pluies va commencer ! Nous n’avons pas de maison ! Mes enfants vont mourir de faim et froid, faibles comme ils sont ! »

N’écoutant que son bon cœur, Caméléon invite Araignée et sa famille à s’installer chez lui et met à leur disposition la moitié de sa belle maison.  Un jour, alors que Caméléon est parti aux champs, Araignée tue l’épouse de son bienfaiteur et vole tous ses pagnes et tous ses bijoux.  Au retour de son hôte, il lui raconte que des bandits ont assassiné Madame Caméléon et emporté tout ce qui se trouvait dans la maison.  Araignée ajoute qu’il aurait défendu la malheureuse s’il n’avait été assommé à coups de gourdin.  Caméléon est très fâché car, malgré tous ses mensonges, il a compris ce qui s’est passé.  Il se jure à lui-même qu’il se vengera cruellement et qu’Araignée mourra en châtiment de son crime.

Un plat de Yeke-yeke
Un plat de Yeke-yeke

Une semaine plus tard, il rapporte à la maison un énorme plat de yéké-yéké (*).  Araignée, son épouse et ses enfants en mangent tant qu’ils peuvent et se régalent.  Lorsque le plat est vide, Araignée demande : « Où avez-vous trouvé cette nourriture succulente, mon frère ? »

Caméléon répond : «  C’est un génie qui me l’a préparée ! Si, toi aussi, tu tues ta mère en sacrifice aux « Togbesikpé » (**), tu recevras le même cadeau. »

Plein de convoitise, Araignée exécute ce nouveau crime affreux.  Mais, contrairement à son attente, il ne reçoit point de yéké-yéké.  Le cœur de Caméléon se réjouit de cette vengeance et il murmure : « Si tu n’avais pas été aussi bête qu’avide, tu n’aurais pas fait cela ! » Continue reading “L’Araignée et le Caméléon”

Araignée se marie

Poupee Ashanti
Poupee Ashanti

Il était une fois un grand roi Kotokoli (au Togo) qui possédait deux belles filles.  Elles étaient toutes deux si ravissantes que, pour éviter qu’une mère jalouse leur jette un mauvais sort, le prénom des jeunes filles était tenu secret.  Comme elles ont atteint maintenant l’âge nubile, le roi déclare :

Celui qui sera capable de deviner le nom de mes enfants, deviendra leur époux à toutes deux !

Bien des vaillants guerriers, bien des hardis chasseurs, bien des riches cultivateurs tentent leur chance.  Mais il y a tant de prénoms possibles pour de belles jeunes filles que personne ne parvient à deviner ceux qui sont les bons.

Kakou Ananzè, l’araignée, vient à passer par là.  Il entend parler de la promesse royale, et décide d’épouser les deux beautés.  L’esprit de l’araignée, tout le monde le sait, est plein de ruse et d’astuce.

Kakou Ananze
Kakou Ananze

Voici donc ce qu’il a inventé pour parvenir à ses fins.  Il va se cacher en haut d’un manguier, aux branches bien touffues, tout au bord du marigot ou les jeunes filles ont l’habitude d’aller faire leurs ablutions.

Du haut de l’arbre, il laisse tomber sur une pierre plate, deux beaux bracelets qui se mettent à scintiller au soleil.  L’aînée des jeunes filles aperçoit quelque chose qui brille dans la lumière, sur la berge.  Etonnée, elle appelle sa sœur :

Dimdiya ! Dimdiya ! Ne vois –tu pas un curieux reflet sur cette pierre plate ? Qu’est-ce que cela peut bien être ?

La jeune sœur regarde à son tour et répond : Je n’en sais rien, Anakoussey ! Si nous allions voir de plus près !

Kakou Ananzè profite du fait qu’elles sont penchées sur les bracelets pour descendre de son arbre et s’en aller bien vite.

Un manguier
Un manguier

Le lendemain, Kakou Ananzè revêtu de son pagne de cérémonie, va rendre visite au roi et lui dit : “sire, je suis un puissant magicien de passage dans le pays. Par mon savoir, j’ai pu découvrir le nom de tes deux filles.  Je viens voir si tu tiendras ta promesse.”

“Bon!” dit le roi, favorable à l’idée d’avoir pour genre un puissant magicien, “mes filles seront tes épouses si tu ne te trompes pas.”

“L’aînée de tes enfants s’appelle Anakoussey et la plus jeune Dimdiya” déclare alors solennellement Kakou Ananzè.

A ces paroles, le roi est émerveillé.  Quelques jours plus tard, ont lieu les noces de Kakou Ananzè, d’Anakoussey et de Dimdiya.

Puis les deux sœurs, très heureuses d’avoir épousé un savant magicien, ont suivi leur mari dans Son village.  Quelques années ont passé. Des enfants sont nés et ont grandi.

Un soir Kakou Ananzè, assis dans sa concession, jouait avec ses fils tandis que ses épouses préparaient le repas.  Il dit alors : “Enfants, savez-vous ce que j’ai pour épouser vos mères ?”

Et vaniteux, pour obtenir l’admiration des jeunes garçons, il leur raconte la ruse qu’il avait autrefois inventée.

African princess
African princess

Anakoussey et Dimdiya ont entendu tout le récit et ont compris qu’elles ont été dupées et que leur époux n’est pas un puissant magicien.  Furieuses, pendant la nuit, elles quittent la maison pour aller se réfugier chez leur père à qui elles révèlent la tromperie de l’araignée.

A son, plein de rage, le roi fait appeler ses guerrier; ils vont ensemble chez Kakou Ananzè, l’attrapent et le frappent jusqu’à le laisser pour mort.

Araignée, meurtri et tremblant se relève à grand-peine quand ils sont partis.  Plein de frayeur, il se traîne dans un grand trou qui s’ouvre au tronc d’un vieil arbre et s’y cache.

Où sont les araignées maintenant encore? Vous voyez bien qu’elles continuent à se cacher dans les trous de l’écorce des vieux arbres.

Conte tiré de “Contes des Lagunes et Savanes,” Collection ‘Fleuve et Flamme,’ édition Edicef, 1975.

L’Araignée imite son Ami

Kakou Ananze
Kakou Ananze

Il était une fois dans un village deux amis si intimes qu’ils ne se quittaient jamais. A les voir toujours ensemble, on les aurait pris pour des frères jumeaux. L’un était Kakou Ananze, l’araignée, l’autre Gayagui. Chacun d’eux avait une épouse et quatre enfants.

Un jour, une terrible famine s’abat sur le pays. Les deux amis se lamentaient en cherchant nuit et jour un peu de nourriture. Mais bientôt il n’y a plus ni racine, ni tubercule, ni graine à cueillir dans la forêt. Pour ne pas mourir faim, Kakou Ananze et Gayagui décident de se séparer pour tenter de survivre, en quittant le pays pour en chercher un autre moins infortuné.

Village Africain - Parc de Waza (Cameroun)
Village Africain - Parc de Waza (Cameroun)

Gayagui s’en va vers le nord-ouest, emmenant avec lui tous les siens. Chaque fois qu’au cours de son long voyage, il découvre un peu de nourriture, il en fait deux parts. Il partage la première avec son épouse et ses enfants. L’autre il la garde en réserve. Et ils poursuivent leur route. Enfin, ils arrivent dans un village lointain qui semble très prospère. Il demande au chef l’autorisation de s’y installer avec sa famille le chef, pris de pitié, accepte et lui donne un champ à cultiver. Gayagui se met aussitôt au travail. Mais sa femme, épuisée, meurt. Les villageois s’émeuvent devant ce malheur imprévu qui frappe un homme et des enfants si travailleurs et si gentils. Ils aident Gayagui à enterrer son épouse convenablement puis font une collecte dans toute la région pour lui venir en aide. Chacun donne ce qu’il peut: une poule, un mouton, une daba, des calebasses, des semences, de la nourriture etc. Ainsi Gayagui, grâce à leur aide, devient presque riche et peut mener avec ses enfants une vie convenable.

Pendant ce temps, Kakou Ananze s’était mis en marche vers le nord-est, suivi par son épouse et ses enfants. Lorsque Araignée trouvait quelque chose à manger, il le gardait pour lui et le dévorait aussitôt, tandis que le reste de sa famille survivait à grand-peine.

Champs Africains
Champs Africains

Un jour, sur le chemin, ils rencontrent un groupe de villageois qui venaient de la région ou s’était installé Gayagui …Et ceux-ci leur apprennent ce qui est arrivé et comment Gayagui a trouvé la fortune. Cette histoire donne à réfléchir à Kakou Ananzè. Lorsque, après bien des jours de marche il parvient avec les siens dans un gros bourg qui parait riche et heureux, Araignée tue sa femme et se met à se lamenter très fort pour éveiller la pitié des habitants: Quel malheur ! Oh ! Quel malheur !que vais-je devenir ! Mes pauvres enfants ont perdu leur tendre mère et moi, une bonne épouse qui m’aidait tant dans mon travail. Nous sommes trop pauvre pour lui faire des funérailles convenables. Quel malheur ! Quel malheur !

Les gens s’approchent pour venir à son venir à son secours Mais ils voient que Madame Araignée a été tuée d’un coup de coupe-coupe, que les enfants sont tout maigres et tout faibles alors que Kakou Ananzè a une mine florissante. Alors ils se méfient, prennent avec eux les enfants pour les nourrir mais laissent Araignée sans lui venir  en aide. Celui-ci doit emprunter de l’argent pour la cérémonie des obsèques. Et quand tout est fini, comme il ne peut rien rembourser, il doit se faire engager comme domestique chez de riches fermiers. Comme il est paresseux et égoïste, ses nouveau maîtres ne l’aiment pas et lui donnent plus de coups de bâton que de bonne nourriture. Araignée est bien puni ! C’EST Pourquoi le soir à la veille, il dit toujours à ses enfants: Ecoutez bien votre vieux papa ! N’imitez jamais les autres ! Car ce qui à bien réussi pour eux, peut avoir pour vous une funeste conséquence.

Conte tiré de “Contes des Lagunes et Savanes,” Collection ‘Fleuve et Flamme,’ édition Edicef, 1975.

L’Araignée et la calebasse magique

Kakou Ananze
Kakou Ananze

Il était une fois un village ou la famine sévissait. Le roi se faisait beaucoup de soucis car les enfants mouraient et les villageois n’avaient plus assez de force pour aller cultiver la terre. C’était là que vivait Kakou Ananzè, l’Araignée. Malgré toute sa ruse, lui aussi souffrait de la faim. Tous les jours, il partait dans la brousse à la recherche de racines ou de graines qui puissent nourrir sa famille.

Un jour, Kakou Ananzè était en train d’errer au milieu des buissons. Epuisé de fatigue, il s’arrête pour se reposer. Alors il entend une petite voix qui sort d’un fourré et lui dit : papa Ananzè! papa Ananzè! Un peu effrayé et très curieux de savoir qui l’appelle ainsi, Kakou Ananzè entre au milieu des épines et découvre une calebasse posée sur le sol.

La Calebasse
La Calebasse

Comme il l’examine de plus près, l’ustensile de cuisine lui adresse la parole en ces termes: Sors-moi  de ce buisson d’épines et emmène-moi dans ta case. En récompense, je te rendrai la vie heureuse. Araignée ramasse la calebasse et la rapporte chez lui. A peine arrivé, il appelle sa femme et ses enfants. Leur montre l’ustensile et leur raconte son aventure. Tandis que tous s’étonnent, Kakou Ananzè se penche sur la calebasse et lui dit:

Chère amie, j’ai fait tout ce que tu souhaitais. A toi de tenir ta promesse. Les miens et moi mourons de faim et n’avons pas de nourriture; peux-tu nous aider?

A peine achève-t-il ces mots que la calebasse se trouve remplie de toutes sortes de mets: ignames frites, boules de pâte, bananes–plantains, poulet, sauce, etc.  Ils remercient tous leur nouvelle amie, mangent jusque ce qu’ils soient rassasiés. Puis Kakou Ananzè prend la parole en ces termes :

Enfants, écoutez-moi bien et toi aussi femme! Je vais aller cacher soigneusement cette calebasse magique. Ne racontez cette histoire à personne, sous aucun prétexte. Car les gens jaloux de notre chance pourraient venir nous voler celle qui désormais, va tous nous nourrir.

Tous les membres de la famille jurent de garder le silence. Pendant quelques jours, tout se passe bien. Le soir, Araignée sort la calebasse de la cachette, lui demande poliment de la nourriture et, après que la famille ait mangé, remet l’ustensile à l’abri.

Beignets
Beignets

Or, la femme de Kakou Ananzè était très gourmande. Elle avait caché dans son pagne quelques beignets de haricot comme provision pour la journée. Dans l’après-midi, elle sort dans la concession, s’assied sous un manguier et commence à manger. Mais sa voisine affamée, l’aperçoit. Elle s’approche sans faire de bruit et se met à crier: “comment peux-tu avoir des beignets de haricot  alors que tout le monde meurt de faim et qu’il n’y a plus de nourriture dans le village? D’ailleurs, je ne t’ai pas vue piler la pâte ni faire la cuisine. A  qui as-tu volé cela ?”

Madame Araignée est ennuyée. Elle donne immédiatement les beignets qui lui restent à la voisine en la suppliant de se  taire. Celle-ci dévore tout puis recommence à faire du tapage: “Voleuse ! Voleuse! A qui as-tu pris cela ?”

Effrayée, madame Araignée lui raconte alors toute l’affaire de la calebasse magique trouvée par son mari, et lui jure que, désormais, elle lui portera tous les jours un peu de nourriture si elle garde le secret. Pendant la nuit, la voisine ne peut tenir sa langue et raconte tout à son mari qui s’en va aussitôt chez le roi dénoncer l’égoïsme de Kakou Ananzè.

Le roi envoie des soldats fouiller toute la concession de Kakou Ananzè. Mais ils ne trouvent rien. La calebasse magique a disparu. Et jamais plus personne ne l’a revue.

Adea, kue: La langue, c’est la mort.

Conte tiré de “Contes des Lagunes et Savanes” Collection ‘Fleuve et Flamme’, Edition Edicef, 1975.