
Une hyène, qui rôdait dans la nuit, tomba dans un trou très profond. Et cette fille de misère commença de s’effrayer. Elle se haussait, mais ses pattes étaient trop courtes; elle bondissait, mais son derrière était trop lourd; elle grattait la terre, mais la terre retombait sur son museau. Elle essaya tout, dans la nuit, pour se tirer de là. Mais elle n’y put rien.
Le matin la trouva dans le fond de son trou, pleurant et appellant de toutes ses forces.
Un bœuf entendit ses plaints. Il eut pitié, s’approcha du trou et se pencha pour regarder. L’hyène, le voyant, lui dit:
– C’est toi, Bœuf?
Le bœuf répondit:
– Mais oui, c’est moi!
Alors l’hyène prit sa voix la plus douce:
– Oncle Bœuf, viens en aide a une pauvre malheureuse … fais-moi la charité de me laisser attraper ta queue pour sortir de ce trou.
– Hyène! répondit le bœuf , tu es une méchante bête. Tout le monde le dit. C’est toi qui viens, la nuit, mordre les jeunes veaux et les genisses de deux mois … N’est-ce pas vrai?
– On le dit par mensonge, oncle Bœuf . Peut-être, dans l’obscurité, m’a-t-on confondue avec la panthère!
– Tu es une méchante bête, répéta l’autre. Si je te sors de ce trou, tu essaieras sans doute de me tuer et de me manger!
– Père Bœuf ! supplia l’hyène. Je te jure sur la tête de ma mère, que si tu me sors de là tu n’auras pas de meilleure amie que moi.
Le nigaud eut confiance. Il laissa sa queue pendre dans le trou et, quand l’hyène l’eut saisie, il tira de son mieux.
Voilà donc l’hyène qui remonte saine et sauve. Aussitôt elle tombe sur le pauvre fou et commence a le mordre.
Heureusement, un elephant vint à passer sur la route. Il s’écria:
– Eh bien! Eh bien! Quel Malheur y a-t-il dans ce pays? Restez un peu tranquilles, voyons, et, au lieu de vous battre de la sorte, expliquez-moi votre affaire. Je vous jugerai selon la coutume et la loi.

Le pauvre bœuf faisait pitié, il saignait, il boitait et il souffrait tant qu’il n’arrivait pas à expliquer ce qui était arrivé. De son cote, l’hyène essayait de raconter quelque mensonge.
– Votre histoire, dit l’elephant, me paraît compliquée et j’ai beaucoup de peine à la débrouiller. Que chacun de vous revienne où il était au debut: ainsi je saurai comment les choses se sont passées et je pourrai juger sans risquer de me tromper. Toi, hyène, retourne immédiatement dans le trou!
La coquine, aussi sotte que méchante, sauta aussitôt et reprit sa première place.
– Et maintenant, dit l’éléphant, que chacun de vous fasse ce qu’il lui plaira.
Il partit sur ces mots, content de soi, se dandinant, clignant de l’oeil, agitant ses larges oreilles, et balançant sa trompe.
Le bœuf ne jugea pas utile de recommencer l’experience. Il s’en alla a son tour, clopin clopant, riant quand même de la malice de l’éléphant.
L’hyène resta dans son trou.
On dit qu’elle y est encore.
D’après un conte de l’Afrique noire, tiré de Contes de la Brousse et de la Forêt, de A. Davesne.