“Pleure, Ô Noir Frère Bien-Aimé” de Patrice Lumumba / “Weep, Beloved Black Brother” by Patrice Lumumba

Patrice Emery Lumumba
Patrice Emery Lumumba

The 30 June 1960 marks the independence of the then Congo-Belge (Democratic Republic of the Congo (DRC)) from Belgium. We will celebrate DRC’s independence today with a poem by one of Congo’s proud sons, none other than its first democratically elected Prime Minister Patrice Lumumba, “Pleure, Ô Noir Frère bien-aimé (Weep, beloved black brother)”. This poem was published in the journal INDEPENDANCE, organe du M.N.C., en septembre 1959 (Cf. La pensée politique de Patrice LUMUMBA, textes et documents recueillis par Jean VAN LIERDE, Présence Africaine, 1963, p. 69-70). Translated to English by Lillian Lowenfels and Nan Apotheker.

 

Pleure, O Noir Frère bien-aimé

O Noir, bétail humain depuis des millénaires
Tes cendres s’éparpillent à tous les vents du ciel
Et tu bâtis jadis les temples funéraires
Où dorment les bourreaux d’un sommeil éternel.
Poursuivi et traqué, chassé de tes villages,
Vaincu en des batailles où la loi du plus fort,
En ces siècles barbares de rapt et de carnage,
Signifiait pour toi l’esclavage ou la mort,
Tu t’étais réfugié en ces forêts profondes
Où l’autre mort guettait sous son masque fiévreux
Sous la dent du félin, ou dans l’étreinte immonde
Et froide du serpent, t’écrasant peu à peu.
Et puis s’en vint le Blanc, plus sournois, plus rusé et rapace
Qui échangeait ton or pour de la pacotille,
Violentant tes femmes, enivrant tes guerriers,
Parquant en ses vaisseaux tes garçons et tes filles.
Le tam-tam bourdonnait de village en village
Portant au loin le deuil, semant le désarroi,
Disant le grand départ pour les lointains rivages
Où le coton est Dieu et le dollar Roi
Condamné au travail forcé, tel une bête de somme
De l’aube au crépuscule sous un soleil de feu
Pour te faire oublier que tu étais un homme
On t’apprit à chanter les louanges de Dieu.
Et ces divers cantiques, en rythmant ton calvaire
Te donnaient l’espoir en un monde meilleur…
Mais en ton cœur de créature humaine, tu ne demandais guère
Que ton droit à la vie et ta part de bonheur.
Assis autour du feu, les yeux pleins de rêve et d’angoisse
Chantant des mélopées qui disaient ton cafard
Parfois joyeux aussi, lorsque montait la sève
Tu dansais, éperdu, dans la moiteur du soir.
Et c’est là que jaillit, magnifique,
Sensuelle et virile comme une voix d’airain
Issue de ta douleur, ta puissante musique,
Le jazz, aujourd’hui admiré dans le monde
En forçant le respect de l’homme blanc,
En lui disant tout haut que dorénavant,
Ce pays n’est plus le sien comme aux vieux temps.
Tu as permis ainsi à tes frères de race
De relever la tête et de regarder en face
L’avenir heureux que promet la délivrance.
Les rives du grand fleuve, pleines de promesses
Sont désormais tiennes.
Cette terre et toutes ses richesses
Sont désormais tiennes.
Et là haut, le soleil de feu dans un ciel sans couleur,
De sa chaleur étouffera ta douleur
Ses rayons brûlants sécheront pour toujours
La larme qu’ont coulée tes ancêtres,
Martyrisés par leurs tyranniques maîtres,
Sur ce sol que tu chéris toujours.
Et tu feras du Congo, une nation libre et heureuse,
Au centre de cette gigantesque Afrique Noire.

 

Weep, Beloved Black Brother

O black man, beast of burden through the centuries,
Your ashes scattered to the winds of heaven,
There was a time when you built burial temples
In which your murderers sleep their final sleep.
Hunted down and tracked, driven from your homes.
Beaten in battles where brute force prevailed.
Barbaric centuries of rape and carnage
That offered you the choice of death or slavery.
You went for refuge to the forest depths,
And other deaths waylaid you, burning fevers,
Jaws of wild beasts, the cold, unholy coils
Of snakes who crushed you gradually to death.
Then came the white man, more clever, tricky, cruel,
He took your gold in trade for shoddy stuff,
He raped your women, made your warriors drunk,
Penned up you sons and daughters on his ships.
The tom-toms hummed through all the villages,
Spreading afar the mourning, the wild grief
At news of exile to a distant land
Where cotton is God and the dollar King.
Condemned to enforced labor, beasts of burden,
Under a burning sun from dawn to dusk,
So that you might forget you are a man
They taught your to sing the praises of their God,
And these hosannas, tuned in to your sorrows,
Gave you the hope of a better world to come.
But in your human heart you only asked
The right to live, your share of happiness.
Beside your fire, your eyes reflect your dreams and suffering,
You sang the chants that gave voice to your blues.
And sometimes to your joys, when sap rose in the trees
And you danced wildly in the damp of evening.
And out of this sprang forth, magnificent,
Alive and virile, like a bell of brass
Sounding your sorrow, that powerful music,
Jazz, now loved, admired throughout the world,
Compelling the white man to respect,
Announcing in clear loud tones from this time on
This country no longer belongs to him.
And thus you made the brothers of your race
Lift up their heads to see clear, straight ahead
The happy future bearing deliverance.
The banks of a great river in flower with hope
Are yours from this time onward.
The earth and all its riches
Are yours from this time onward.
The blazing sun in the colorless sky
Dissolves our sorrow in a wave of warmth.
Its burning rays will help to dry forever
The flood of tears shed by our ancestors,
Martyrs of the tyranny of the masters.
And on this earth which you will always love
You will make the Congo a nation, happy and free,
In the very heart of vast Black Africa.