
Il était une fois deux grands amis, Compère singe et Compère lièvre, le roi de la ruse. Un jour, ils étaient allés chasser ensemble. Mais, avant de partir, compère lièvre avait bourré ses joues de sel, prévoyant de jouer un vilain tour à son compagnon. Le vent, très violent, apporte tout à coup des débris de feuilles mortes mêlées de poussière dans les yeux de linge, l’aveuglant complètement : Frère, dit-il à son ami sur un ton suppliant, je n’y vois plus goutte. Je t’en prie ! Souffle-moi dans les yeux pour m’enlever ces poussières qui me font souffrir.
Compère lièvre sourit car c’est bien ce qu’il a prévu. Il s’approche de son compagnon et souffle dans les yeux de celui-ci tout le sel qu’il conservait dans ses joues.
Le pauvre singe pousse un hurlement de douleur tandis que les larmes ruissellement sur son visage. Il comprend alors que son ancien ami veut sa mort et s’enfuit en se heurtant contre tous les obstacles qu’il rencontre sans pouvoir les apercevoir.
Seigneur lion, entendant les cris de douleur de l’infortuné, accourt, arrête le malheureux singe aveugle et l’interroge. Singe lui raconte alors son aventure et lui explique de quelle manière compère lièvre a voulu le tuer pour le dévorer.
Seigneur lion, pris de pitié, accepte de souffler sur les yeux de singe pour le débarrasser des débris de feuilles, des poussières et du sel qui le font si fort souffrir. Mais lorsqu’il commence à souffler, un peu de sel vole jusqu’au visage du roi des animaux qui, rendu furieux par la souffrance, d’un coup de dent, arrache un œil de singe et l’avale.
Singe, hurlant de douleur, prend aussitôt la fuite. Seigneur lion se lance à sa poursuite. Mais les frères de singe viennent au secours du pauvre borgne et le font grimper tout en haut d’un arbre. Là-haut, une fois en sécurité, singe remercie ses frères et leur raconte ses malheurs. Chacun des singes décide de l’aider. L’un après l’autre, ils rétrécissent leurs yeux et en prélèvent un petit morceau. Puis avec ce que tous ont sacrifié, ils fabriquent un œil tout neuf pour leur frère.
C’est pourquoi, vous le remarquerez facilement, maintenant, les singes ont de petits yeux bien enfoncés dans le crâne.
Conte tiré de “Contes des Lagunes et Savanes,” Collection ‘Fleuve et Flamme,’ édition Edicef, 1975