Araignée se marie

Poupee Ashanti
Poupee Ashanti

Il était une fois un grand roi Kotokoli (au Togo) qui possédait deux belles filles.  Elles étaient toutes deux si ravissantes que, pour éviter qu’une mère jalouse leur jette un mauvais sort, le prénom des jeunes filles était tenu secret.  Comme elles ont atteint maintenant l’âge nubile, le roi déclare :

Celui qui sera capable de deviner le nom de mes enfants, deviendra leur époux à toutes deux !

Bien des vaillants guerriers, bien des hardis chasseurs, bien des riches cultivateurs tentent leur chance.  Mais il y a tant de prénoms possibles pour de belles jeunes filles que personne ne parvient à deviner ceux qui sont les bons.

Kakou Ananzè, l’araignée, vient à passer par là.  Il entend parler de la promesse royale, et décide d’épouser les deux beautés.  L’esprit de l’araignée, tout le monde le sait, est plein de ruse et d’astuce.

Kakou Ananze
Kakou Ananze

Voici donc ce qu’il a inventé pour parvenir à ses fins.  Il va se cacher en haut d’un manguier, aux branches bien touffues, tout au bord du marigot ou les jeunes filles ont l’habitude d’aller faire leurs ablutions.

Du haut de l’arbre, il laisse tomber sur une pierre plate, deux beaux bracelets qui se mettent à scintiller au soleil.  L’aînée des jeunes filles aperçoit quelque chose qui brille dans la lumière, sur la berge.  Etonnée, elle appelle sa sœur :

Dimdiya ! Dimdiya ! Ne vois –tu pas un curieux reflet sur cette pierre plate ? Qu’est-ce que cela peut bien être ?

La jeune sœur regarde à son tour et répond : Je n’en sais rien, Anakoussey ! Si nous allions voir de plus près !

Kakou Ananzè profite du fait qu’elles sont penchées sur les bracelets pour descendre de son arbre et s’en aller bien vite.

Un manguier
Un manguier

Le lendemain, Kakou Ananzè revêtu de son pagne de cérémonie, va rendre visite au roi et lui dit : “sire, je suis un puissant magicien de passage dans le pays. Par mon savoir, j’ai pu découvrir le nom de tes deux filles.  Je viens voir si tu tiendras ta promesse.”

“Bon!” dit le roi, favorable à l’idée d’avoir pour genre un puissant magicien, “mes filles seront tes épouses si tu ne te trompes pas.”

“L’aînée de tes enfants s’appelle Anakoussey et la plus jeune Dimdiya” déclare alors solennellement Kakou Ananzè.

A ces paroles, le roi est émerveillé.  Quelques jours plus tard, ont lieu les noces de Kakou Ananzè, d’Anakoussey et de Dimdiya.

Puis les deux sœurs, très heureuses d’avoir épousé un savant magicien, ont suivi leur mari dans Son village.  Quelques années ont passé. Des enfants sont nés et ont grandi.

Un soir Kakou Ananzè, assis dans sa concession, jouait avec ses fils tandis que ses épouses préparaient le repas.  Il dit alors : “Enfants, savez-vous ce que j’ai pour épouser vos mères ?”

Et vaniteux, pour obtenir l’admiration des jeunes garçons, il leur raconte la ruse qu’il avait autrefois inventée.

African princess
African princess

Anakoussey et Dimdiya ont entendu tout le récit et ont compris qu’elles ont été dupées et que leur époux n’est pas un puissant magicien.  Furieuses, pendant la nuit, elles quittent la maison pour aller se réfugier chez leur père à qui elles révèlent la tromperie de l’araignée.

A son, plein de rage, le roi fait appeler ses guerrier; ils vont ensemble chez Kakou Ananzè, l’attrapent et le frappent jusqu’à le laisser pour mort.

Araignée, meurtri et tremblant se relève à grand-peine quand ils sont partis.  Plein de frayeur, il se traîne dans un grand trou qui s’ouvre au tronc d’un vieil arbre et s’y cache.

Où sont les araignées maintenant encore? Vous voyez bien qu’elles continuent à se cacher dans les trous de l’écorce des vieux arbres.

Conte tiré de “Contes des Lagunes et Savanes,” Collection ‘Fleuve et Flamme,’ édition Edicef, 1975.

Comment Tortue Guérit Les Sourd-Muets

African King
African King

Il était une fois un roi très puissant, redouté par toutes les tribus du voisinage et respecté par les siens. Il avait sept fils nés de plusieurs femmes. Mais son épouse préférée ne lui avait donné qu’une fille nommée Sika. Cette jeune princesse était aussi douce que belle. Elle aurait fait la joie de la vieillesse de son père si elle n’avait été victime d’un malheur épouvantable: à l’âge de quatorze  ans alors que nulle jeune fille de la région ne pouvait rivaliser en beauté avec elle, elle était brusquement devenue sourde et muette. Car les coépouses, par jalousie de la préférence marquée du roi pour sa mère, avaient voulu atteindre celle-ci par sa Sika par un grand féticheur du pays.

Sika
Sika

Le roi ignorait naturellement les agissements de ses épouses mais les mauvaises langues du royaume avaient jasé. Et la rumeur s’était répandue dans le pays. Le roi a fait tout ce qui était en son pouvoir pour que  sa fille bien-aimée guérisse. Il a consulté tous les sorciers de quelque réputation, a offert des présents somptueux à tous les marabouts du nord pour qu’ils viennent examiner son enfant. Mais nul n’a pu parvenir à rendre l’ouïe et la parole à Sika. Finalement le roi a résolu d’envoyer sa fille vivre dans un petit village à l’écart, car le spectacle du malheur de son enfant lui déchirait le cœur.

Tortue
Tortue

Or, Tortue, à l’esprit fertile en inventions a entendu parler de l’affaire et a décidé d’intervenir afin d’en tirer un bon profit. Elle se rend à la cour et demande à parler au roi: “Seigneur, lui dit-elle, que me donnera tu si je réussissais à guérir la princesse? J’ai beaucoup d’expérience et je crois que cela est de mon devoir.

L’espoir se réveille alors dans le cœur du malheureux père.

Si tu parviens à rendre l’ouïe et la parole à Sika, je prends le conseil des anciens à témoin, je partagerai mon palais en deux et t’en donnerai la moitié.”

J’ accepte ton offre, répond Tortue. Dès que j’aurai fait ce que je dois, je t’amènerai ta fille et tu constateras par toi–même qu’elle est redevenue normale.

Miel
Miel

Tortue se rend donc dans la forêt qui entoure le village ou l’on avait envoyé la jeune princesse. D’une petite hauteur, elle surveille le chemin. Bientôt, elle aperçoit Sika qui se rend au marigot pour se baigner. Tortue, aussitôt, va déposer, bien en vue, sur une grosse pierre, une calebasse pleine d’un miel délicieux qu’elle s’était procuré. Puis, elle se cache dans un buisson tout près de là.

La princesse arrive au bord de la l’eau, cherche un endroit pour déposer son pagne et aperçoit la calebasse. Poussée par la gourmandise, elle y porte la main tortue sort alors précipitamment du fourré, s’élance sur Sika et la frappe au visage en hurlant:

Voleuse ! Voleuse ! Comment peux-tu voler le miel que j’ai acheté pour mes enfants?

La jeune fille abasourdie, se débat. Son indignation est si violente que la parole lui revient.

Moi une voleuse? Comment oses-tu dire une chose pareille, étrangère? Ne sais-tu pas que je suis la fille unique du roi, la princesse Sika? Veux-tu me lâcher immédiatement!

Mais Tortue, la très rusée, la ligote avec une corde et l’entraîne derrière elle sur le sentier qui va vers le village, en

Sika angry
Sika angry

criant à tue-tête: “Regardez tous la voleuse de miel! Wuu! Wuu! Sika, la fille du roi n’est qu’une voleuse! Wuu! Wuu! Sika préfère prendre le miel des autres pour le manger que d’aller au marché en acheter.”

A son tour, elle se met à crier: “La veille sorcière! La menteuse! La fille du roi ne doit pas être insultée ainsi. Frappez cette menteuse! Et délivrez-moi! Sika va rendre visite à la panthère de la forêt et la panthère est contente! Sika va visiter le seigneur éléphant ! Et le seigneur éléphant est fier de la recevoir. Honte! Honte! à la vieille qui veut déshonorer la fille du roi par ses mensonges!”

Mais Tortue semble ne vouloir rien entendre. Les habitants du pays sont tellement étonnés d’entendre ces accusations et de voir la princesse qui était muette auparavant, répondre par de grands cris, qu’ils n’osent intervenir.

African village
African village

Tortue continue donc à traîner ainsi derrière elle la jeune fille, en direction de la ville royale. Avec malice, elle poursuit ses clameurs: “Wuu! Sika, la fille du roi est une voleuse de miel! Regardez-la tous! Wuu! Wuu! Sika, voleuse de miel!”

Tandis que la princesse en furie vocifère: “Vieille sorcière! Menteuse! Ce n’est pas vrai! Ce n’est pas vrai!”

Elles arrivent dans cet équipage et au milieu des mêmes hurlements jusqu’au palais. Attiré par le bruit, le roi sort dans la cour et pousse un cri de stupeur: “Ma fille muette parle! Miracle! Miracle!

Aussitôt, prestement, Tortue détache les liens de Sika et s’incline respectueusement devant le roi.

Quand à la jeune princesse, toujours furieuse, elle  se précipite aux pieds de son père: “Père! Père! Punissez cette vieille sorcière qui m’a insultée et humiliée, moi, votre fille unique! Père, punissez-la!”

Tortue victorieuse
Tortue victorieuse

Le roi voit que son enfant bien–aimée est complètement guérie et il la calme en disant: “Non ma fille! Je ne punirai pas Tortue. Au contraire, je vais la récompenser car elle a réussi là où les plus grand plus féticheur ont échoué. Elle ne t’a humilié que pour t’obliger à retrouver la parole. Sa ruse a été plus forte que tous les remèdes!”

Il s’approche ensuite de Tortue et déclare: “Grand merci savante Tortue, qui as sauvé mon enfant en la guérissant de son infirmité. La moitie de mon palais est à toi!”

Tortue réussit tout ce qu’elle entreprend car elle connaît bien le cœur des hommes!

Conte tiré de “Contes des Lagunes et Savanes,” Collection ‘Fleuve et Flamme,’ édition Edicef, 1975.