
Il était une fois une araignée qui s’appelait Kakou Ananzè. Il habitait dans un village complètement ruiné par la sécheresse qui sévissait dans le pays. La famine était atroce et les gens mouraient comme des mouches.
Kakou à moitié mort de faim, décide de se traîner jusqu’à la rivière pour pecher. Il n’y avait plus qu’un petit filet d’eau. Araignée s’assied sur une grosse pierre et surveille sa ligne. Le flotteur ne bouge pas. Les heures passent sans qu’il attrape le moindre petit poisson. La faim le dechire. Il va abandonner cette vaine recherche de nourriture quand tout d’un coup, la ligne bouge, le flotter s’enfonce. Fort ! Kakou Ananzè d’un coup sec, tire et sort de l’eau un petit silure gros comme le doigt d’un nouveau-né. Au moment ou il allait l’avaler tout cru, le poisson se, met à parler : Compère Araignée, laisse-moi la vie sauve ! aie pitié de, moi ! si tu à l’eau, je te donnerai un bon conseil et tu ne te repentiras pas de m’avoir écouté.
Araignée hésite. Mais le silure est si petit qu’il n’apaisera pas sa faim. Alors il le libère et le remet à l’eau. Avant de s’en aller en frétillant, le silure remercie Kakou Ananzè en ces termes : Grand merci, comprend Araignée ! Maintenant, grimpe jusqu’à la troisième branche de ce gros fromager. Quand tu seras là haut, ferme les yeux et saute. Tu verras que tu ne regretteras pas de m’avoir obéi.

Kakou fait tout ce que le silure lui a conseillé. Une fois sur la branche, il ferme les yeux et saute dans le vide. Quand il touche le sol, il regarde vite autour de lui et sa surprise est grande. Il se trouve dans une ville magnifique aux maisons luxueuses, aux jardins pleins de fleurs et de fruits. Les habitants, qui sont tous riches l’emmènent au palais de la reine de ce pays magique qui lui dit alors : Ici tu peux faire tout ce que tu veux et vivre comme tu l’entends. Une seule chose t’est interdite. Ne te regarde pas dans le miroir qui est accroché à ce mur. Si tu respectes cet ordre ; tu seras désormais des nôtres.
Kakou Ananzè obéit pendant plusieurs mois et vit heureux dans le luxe et l’abondance. Cependant la curiosité le tenaille et il pense toujours au miroir. Pourrquoi ne puis-je me contempler dans cette glace, se dit-il. Pourquoi me le défend-on ? Je voudrais bien essayer, une fois seulement pour savoir.
Un beau jour, il n’y tient plus. Il va dans la grande salle, s’approche du mur ou est accroché le miroir et lève les yeux. Frrrt ! Il se retrouve aussitôt sur les bords de la rivière de son pays natal, exactement à l’endroit ou il avait péché le petit silure. Alors, dans son chagrin, il appelle : Poisson ! compère Poisson ! Reviens ! cher petit Silure ! aide-moi !
L’eau frémit et la tête du petit silure apparaît. Il ouvre la bouche et lui dit : Je veux bien t’aider, araignée ! Alors kakou Ananzè se précipite vers le fromager, grimpe jusqu’à la troisième branche, ferme les yeux et sans hésiter une seconde, saute … Et son corps s’écrase sur le sol au pied de l’arbre.
C’est pourquoi l’on dit chez nous qu’il ne faut pas être curieux car la curiosité est souvent punie.
Conte tiré de “Contes des Lagunes et Savanes,” Collection ‘Fleuve et Flamme,’ édition Edicef, 1975