A bientôt fier guerrier: Jean Paul Yitamben et le microcosme de la fragmentation de l’Afrique

Une grande lumiere

Une grande lumière a rejoint les étoiles. Sa Majesté, Jean Paul Yitamben, Roi du Village Batcheu au Cameroun, a changé de dimensions et maintenant s’est élèvé au rang d’ancêtres qui guidera nos pas. Grand économiste, professeur, historien, père, frere, époux, il s’en est allé. Comme Behanzin avant et beaucoup d’autres rois, il a consacré sa vie au service de sa communauté et son peuple. La bataille a changé ! Les rois locaux ne sont plus deportés, mais des royaumes et cultures sont toujours fragmentés, écrasés sous le poids du « faux » modernisme assisté par des administrations (excroissance du colonialisme) qui sont au service de forces exterieures qui continue le travail de l’annihilation et/ou de la spoliation de l’identité Africaine.

Descendants de grands rois avant lui, Jean Paul Yitamben était un avide historien et un perfectionniste qui recherchait inlassablement la perfection dans tout ce qu’il faisait. Méticuleux à la lettre, il ne tolérait pas le travail à moitié fait. Avec son épouse, entrepreneur sociale de renommée internationale, Gisèle Yitamben, il a travaillé sans relâche pour permettre aux femmes d’avoir accès à la micro-finance, aux jeunes moins privilégiés de trouver des emplois dans nos économies locales difficiles, et plus important encore, il a affecté la vie d’innombrables autres personnes en dehors de son propre village, communauté, ville, et au-delà. Le projet avorté de palmeraie d’huile de palme et de développement indigène du village de Kugwe dans la région du Nord-Ouest du Cameroun en est un exemple clair.

Le soleil / The sun

Yitamben était très méthodique. Il avait beaucoup de projets! Il a travaillé pour amener l’énergie solaire dans son village, a envoyé des villageoises locales se former en Inde pour devenir des ingénieures solaires à une époque où ce n’était pas encore courant. Il a envoyé d’autres en Australie et au Danemark, et fut le premier dans la région à organiser la «quinzaine»: deux semaines de compétitions sportives pour encourager la fierté locale et distribuer des prix aux gagnants, encourageant les enfants à s’appliquer pour leur éducation; l’attribution de bourses aux jeunes et de prix aux mères et grands-mères. Il était en avance sur son temps, en Afrique subsaharienne où des millions de personnes ont un faible accès à l’électricité, le bois de chauffage et le charbon de bois sont la principale source d’énergie pour la cuisson des repas, représentant les trois quarts de la demande énergétique totale ; Yitamben a apporté les foyers améliorés qui sont plus efficaces et meilleurs pour l’environnement. Il a fait venir des collaborateurs internationaux parce qu’il voulait élever son village et son peuple à une place formidable. Prennons exemple sur sa force et son courage!

Libya, the Prey of the West
Libye, la proie de l’Occident

Son plus grand combat était celui de son village. La colonisation ne s’est pas arrêtée en 1884, or en 1960 avec l’avènement des pseudo-indépendances, elle est bien vivante et s’intensifie de plus belle. La bataille n’est pas frontale, mais comme en Libye en 2011 ou au Mali aujourd’hui, le but est toujours de fragmenter, de diviser et de conquérir; briser en mille morceaux et piller les richesses locales tout en écrasant l’esprit des populations indigènes. L’objectif global est toujours la destruction des initiatives locales pour s’accaparer les terres et ressources ; Ça n’a pas changé.

La bataille au niveau du village de Roi Yitamben est un ample microcosme de ce qui arrive à l’échelle nationale et continentale en Afrique : quand une terre est riche, ou lorsque l’ennemi convoite une zone, il promeut la division entre les frères (Ethiopie – Erythrée, Soudan – Sud Soudan), division sur les frontières (Cameroun – Nigeria sur Bakassi, Tanzanie – Malawi sur le Lac Nyassa/Malawi), et division sur les ressources (RDC – Rwanda).

Behanzin, king of Dahomey
Behanzin, Roi du Dahomey

Rappellez-vous que du temps de Béhanzin, après sa déportation, la tactique utilisée avait été l’installation de Agoli-Agbo comme marionette; un qui n’avait pas été choisi par les traditions du terroir, mais par les Européens dans le but d’affaiblir et éradiquer les traditions, et promouvoir les divisions (Côte d’Ivoire ou Alassane Ouattara avait été installé par les chars Français en 2011).

Flash infos…

Les combats qui ont eu lieu plus de 100 ans dans le royaume du Dahomey, ou d’autres parties de l’Afrique, sont toujours en cours, bien qu’à petite échelle (et à grande échelle également). Les villages sont divisés, fragmentés et les institutions locales affaiblies. Les gouvernements qui, dans la plupart des pays africains ne servent pas les locaux mais les forces étrangères, sont complices de la destruction des traditions et des institutions africaines. Yitamben croyait qu’il était possible de changer le cours du temps, en réveillant au moins son propre peuple contre la division. Il s’est battu sans relâche pour l’unité et contre la division ; refusant catégoriquement la fragmentation orchestrée par une partie de son peuple aidé par une administration complice aux pulsions coloniales. Il ne pouvait pas comprendre comment son peuple pouvait se laisser utiliser pour détruire sa propre terre. Il était une force de la nature. Il avait une force titanesque; mais c’est un combat difficile.

Fier Guerrier, tu as placé les briques sur la foundation, et la tâche sera achevée. Tu t’es donné inlassablement pour cela. La bataille continue. O grand Guerrier! Ton héritage perdure.

Lorsque nous avons perdu un leader, nous devons regarder vers l’avenir et construire pour les générations futures. Yitamben avait une forte présence, était charismatique, et généreux dans le partage de son temps, ses ressources, et ses connaissances.

A bientot frère, père, époux, ami, … que tes graines portent beaucoup de fruits. Je me souviendrai de ton rire, de ton grand sourire, de ton intelligence, de ton combat pour la perfection, et surtout de tes enseignements. J’ai eu le privilège de te connaître, et de recevoir tes enseignements. Tu nous as montré le chemin. Maintenant nous devons porter ta lumière plus haut.

Que les ancêtres te reçoivent et te chèrissent.

Amilcar Cabral on the Colonizer installing Puppets

Statue of Behanzin in Abomey, Benin
Statue of Behanzin in Abomey, Benin

As you all know, we have seen in recent coups and throughout history, that the colonizers/oppressors in Africa tend to install fake chiefs, or rather puppets to serve their interests. Remember when Agoli-Agbo (French puppet) was installed after King Behanzin was deposed in 1894? or Patrice Lumumba with Joseph Mobutu in 1961, or more recently Thomas Sankara by Blaise Compaoré in Burkina Faso in 1987, and countless others … history repeats itself. This behavior is not just observed at the top of the country, but even at the levels of the local traditional chiefs… where the successions are contested thus breaking the will of the people, and the passing on of a culture, effectively destroying the oppressed. I could not have said it better than  Amilcar Cabral, himself during his February 20, 1970 speech, as part of the Eduardo Mondlane Memorial Lecture Series at Syracuse University, Syracuse, New York, under the auspices of The Program of Eastern African Studies. Enjoy!

Amilcar Cabral
Amilcar Cabral

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the colonizer who represses or inhibits significant cultural activity on the part of the masses at the base of the social pyramid, strengthens and protects the prestige and the cultural influence of the ruling class at the summit. The colonizer installs chiefs who support him and who are to some degree accepted by the masses; he gives these chiefs material privileges such as education for their eldest children, creates chiefdoms where they did not exist before, develops cordial relations with religious leaders, builds mosques, organizes journeys to Mecca, etc. And above all, by means of the repressive organs of colonial administration, he guarantees economic and social privileges to the ruling class in their relations with the masses. All this does not make it impossible that, among these ruling classes, there may be individuals or groups of individuals who join the liberation movement, although less frequently than in the case of the assimilated “petite bourgeoisie.” Several traditional and religious leaders join the struggle at the very beginning or during its development, making an enthusiastic contribution to the cause of liberation.

But here again vigilance is indispensable: preserving deep down the cultural prejudices of their class, individuals in this category generally see in the liberation movement the only valid means, using the sacrifices of the masses, to eliminate colonial oppression of their own class and to re-establish in this way their complete political and cultural domination of the people.

… among the oppressor’s most loyal allies are found some high officials and intellectuals of the liberal professions, assimilated people, and also a significant number of representatives of the ruling class from rural areas.

… Without minimizing the positive contribution which privileged classes may bring to the struggle, the liberation movement must, on the cultural level just as on the political level, base its action in popular culture, whatever may be the diversity of levels of cultures in the country. The cultural combat against colonial domination–the first phase of the liberation movement–can be planned efficiently only on the basis of the culture of the rural and urban working masses, including the nationalist (revolutionary) “petite bourgeoisie” who have been re-Africanized  or who are ready for cultural reconversion. Whatever may be the complexity of this basic cultural panorama, the liberation movement must be capable of distinguishing within it the essential from the secondary, the positive from the negative, the progressive from the reactionary in order to characterize the master line which defines progressively a national culture.

Confronted with such a necessity, the liberation struggle is, above all, a struggle both for the preservation and survival of the cultural values of the people and for the harmonization and development of these values within a national framework.