
Il y avait une fois un village bien malheureux car, malgré tous les efforts des villageois, les cultures n’avaient pas poussé. La nourriture manquait et tout le monde était devenu maigre et bien affamé. Cochon, Bœuf et Araignée, trois habitants de cette infortunée région, erraient chaque jour dans la brousse en quête de quelque chose à se mettre sous la dent.
Un beau matin, Cochon, tout affaibli par la disette, se lamente sur le chemin à l’entrée du village lorsque, compère bœuf vient à passer. Surpris de la mine florissante de celui-ci, cochon l’interpelle: « Holà, mon compère, d’où te vient ta belle mine alors que, tous ici, nous mourons de faim et tombons en faiblesse? »
Bœuf accélère son allure et passe devant le cochon sans répondre, comme s’il n’avait pas entendu la question.
Cochon comprend qu’il y a là quelque chose de louche et se met à observer attentivement son ami. Plusieurs jours de suite, il se cache dans des arbustes au bord du chemin, et voit passer chaque matin Bœuf qui va toujours dans la même direction.

Chaque soir, Bœuf revient tranquillement au village et tandis que la faim ronge son malheureux compère, il semble lui au contraire, prendre un embonpoint de plus en plus dodu. Alors n’y tenant plus et sentant sa fin prochaine, cochon s’écrie en lui barrant la route. « Compère! Compère! Tu grossis à vue d’œil alors que je me meurs .Par pitié, dis-moi ou tu trouves tant de nourriture, ou j’appelle tous les habitants du village pour leur signaler ta conduite. A nous tous, nous saurons bien t’obliger à nous révéler ton secret. »
Bœuf s’arrête, réfléchit et déclare enfin: « Frère, tu me fais pitié. Jure-moi de ne rien révéler à personne et je viendrai à ton secours.
-Je le jure
-Demain matin, accompagne-moi dans la forêt et tu sauras tout. »
Le lendemain, tous deux s’en vont ensemble à travers la foret. Parvenus à une clairière, ils trouvent une grosse meule. Alors Bœuf s’approche et dit haute voix : « Meule, prépare-moi a manger! » En un instant, la meule prépare un bon repas et Les deux compagnons le dévorent. Quand il a fini, cochon ordonne à la meule :
« Meule prépare-moi encore à manger!» La meule obéit aussitôt. Bien repus les deux amis reviennent au village. Et, tous les matins désormais, ils vont dans la clairière et la meule magique les nourrit. Bientôt, cochon à son tour devient très gros. Ce phénomène attire l’attention d’Araignée. Il attend que ses compagnons soient revenus chez eux et va rendre visite à cochon. « Cochon, mon bon ami, aide-moi. Je vois que tu sais trouver assez de nourriture pour devenir gros et gras. Si tu ne viens pas à mon secours, je vais appeler tous les habitants du village et on saura bien te contraindre à nous dire ou tu trouves à manger! »
Cochon répond aussitôt: « Garde le silence! Si tu me promets le secret, demain matin, avant le lever du soleil, je te conduirai aux victuailles. »

Araignée jure tout ce qu’il veut, et le lendemain à l’aube ils vont ensemble jusqu’à le lendemain à l’aube ils vont ensemble jusqu’à la clairière, trouvent la meule qui leur prépare à manger, puis reviennent au village.
Araignée, une fois rentré chez lui, s’assoit dans sa concession et se met à réfléchir. « Tout cela est bien joli. Mais Bœuf et Cochon sont des goinfres. Ils mangent trop, grossissent à vue d’œil et vont bientôt attirer l’attention de tous les villageois. Si nous sommes nombreux à connaître le secret, le meule ne voudra plus nous nourrir. Il faut que je trouve une solution! »
Il réfléchit encore, encore, encore puis il se lève et malgré la nuit, se dirige vers le foret. Quand il est arrivé à la clairière, il s’approche de la meule et lui dit :
« Meule, ne sois pas fâchée contre moi. Je vais te transporter jusqu’à ma maison pour te mettre à l’abri des curieux, et des goinfres! Laisse-toi soulever ! » Ceci dit, il se baisse, soulève la meule et la charge sur son dos. Alors la meule devient de plus en plus lourde et l’écrase.
Celui qui se croit plus malin que les autres rencontre toujours un plus malin que lui.
Conte Mina tiré de “Contes des Lagunes et Savanes,” Collection ‘Fleuve et Flamme,’ édition Edicef, 1975.